Quelles lunettes portons-nous ?
Jésus invite à un sage discernement et nous entraîne plus loin que nos jugements !
Le disciple n’est-il pas celui qui se sait tout autant, voire davantage pécheur que son frère, et qui sait aussi qu’il a besoin de ce frère pour avancer sur une même route : celle de l’Évangile. Un exercice d’humilité qui peut porter du fruit jusque dans la miséricorde fraternelle.
Qu’as-tu à regarder la paille dans l’œil de ton frère, alors que la poutre qui est dans ton œil à toi, tu ne la remarques pas ? Comment peux-tu dire à ton frère : ‘Frère, laisse-moi enlever la paille qui est dans ton œil’, alors que toi-même ne vois pas la poutre qui est dans le tien ? Hypocrite ! Enlève d’abord la poutre de ton œil ; alors tu verras clair pour enlever la paille qui est dans l’œil de ton frère.
Un bon arbre ne donne pas de fruit pourri ; jamais non plus un arbre qui pourrit ne donne de bon fruit. Chaque arbre, en effet, se reconnaît à son fruit : on ne cueille pas des figues sur des épines ; on ne vendange pas non plus du raisin sur des ronces. L’homme bon tire le bien du trésor de son cœur qui est bon ; et l’homme mauvais tire le mal de son cœur qui est mauvais : car ce que dit la bouche, c’est ce qui déborde du cœur. » Lc 6,39-45
Relisant sa propre expérience, dans un petit fait tout simple de la vie au Carmel, Thérèse a pris conscience que, bien souvent, la réalité ou l’intention réelle des actes nous échappe. Ecoutons-la nous montrer combien il est facile d’interpréter et de nous tromper sur notre prochain si notre regard s’arrête aux apparences.
Lorsque le démon essaie de me mettre devant les yeux de l’âme les défauts de telle ou telle sœur qui m’est moins sympathique, je m’empresse de rechercher ses vertus, ses bons désirs, je me dis que si je l’ai vue tomber une fois elle peut bien avoir remporté un grand nombre de victoires qu’elle cache par humilité, et que même ce qui me paraît une faute peut très bien être à cause de l’intention un acte de vertu. Je n’ai pas de peine à me le persuader, car j’ai fait un jour une petite expérience qui m’a prouvé qu’il ne faut jamais juger. – C’était pendant une récréation, la portière sonne deux coups, il fallait ouvrir la grande porte des ouvriers pour faire entrer des arbres destinés à la crèche. La récréation n’était pas gaie, car vous n’étiez pas là, ma Mère chérie, aussi je pensais que si l’on m’envoyait servir de tierce, je serai bien contente ; justement mère Sous-Prieure me dit d’aller en servir, ou bien la sœur qui se trouvait à côté de moi ; aussitôt je commence à défaire notre tablier, mais assez doucement pour que ma compagne ait quitté le sien avant moi, car je pensais lui faire plaisir en la laissant être tierce. La sœur qui remplaçait la dépositaire nous regardait en riant et voyant que je m’étais levée la dernière, elle me dit : «Ah! j’avais bien pensé que ce n’était pas vous qui alliez gagner une perle à votre couronne, vous alliez trop lentement…»
Bien certainement toute la communauté crut que j’avais agi par nature et je ne saurais dire combien une aussi petite chose me fit de bien à l’âme et me rendit indulgente pour les faiblesses des autres. Cela m’empêche aussi d’avoir de la vanité lorsque je suis jugée favorablement car je me dis ceci : Puisqu’on prend mes petits actes de vertus pour des imperfections, on peut tout aussi bien se tromper en prenant pour vertu ce qui n’est qu’imperfection. Alors je dis avec St Paul : Je me mets fort peu en peine d’être jugé par aucun tribunal humain. Je ne me juge pas moi-même, Celui qui me juge c’est le Seigneur. Aussi pour me rendre ce jugement favorable, ou plutôt afin de n’être pas jugée du tout, je veux toujours avoir des pensées charitables car Jésus a dit : Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés. Ms C 12v°-13v°
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