Dans son Manuscrit A, Thérèse nous raconte les Noëls de son enfance : Messe de Minuit suivie du traditionnel rite des souliers près de la cheminée.

Et voici Noël 1886 : Thérèse va avoir 14 ans. Neuf ans plus tard, elle évoque cet événement fondateur que nous appelons « la Grâce de Noël » : En cette nuit lumineuse, Jésus changea la nuit de mon âme en torrents de lumière. (Ms A, 44 v, 45). Au Père Roulland, son frère spirituel, elle écrit : La nuit de Noël 1886 fut décisive pour ma vocation, mais pour la nommer plus clairement je dois l’appeler : la nuit de ma conversion. (LT  201).

Noël 1887 : dernier Noël de Thérèse aux Buissonnets, passé dans les larmes car elle comptait le  célébrer au Carmel. Le souvenir attaché à ce jour est un cadeau de sa sœur Céline : le petit bateau Abandon précieusement conservé aux Buissonnets, avec un petit Jésus qui dort. Près de lui, une minuscule balle. Sur la voile, on peut lire : Je dors mais mon cœur veille. (Ms A, 68 r)

Noël 1888 : premier Noël de Thérèse au Carmel. Beaucoup moins connu, il nous est relaté par les Archives du Carmel et relayé par le P. Guy Gaucher dans son livre Ste Thérèse de Lisieux. Biographie :

Postulante depuis 8 mois ½, Thérèse vit dans la sérénité le 2e anniversaire de sa « conversion ». Pour les Matines, Office de la nuit du 24 décembre, on l’a revêtue de l’habit de Carmélite ; ainsi elle pouvait être l’une des 9 Lectrices. Pour la circonstance, on lui a prêté le lourd bréviaire de Mère Geneviève, la Fondatrice du Carmel de Lisieux. Sœur Agnès de Jésus –  Pauline – a préparé avec elle la 1ère Lecture et a souligné les pauses et les respirations. Seule debout au milieu du chœur, Thérèse « chante » recto tono, en latin, le texte d’Isaïe, 1: Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière… De sa voix un peu traînante, avec l’accent de l’Orne qui roule les r, elle alterne encore le Répons avec la Communauté. Puis, après une inclination profonde à l’autel, elle retourne à sa stalle, tout émue, car pour elle, c’est une première.

Rentrée dans sa cellule après la Messe de Minuit, elle y trouve une poésie composée pour elle par Pauline. C’est sans tristesse qu’elle dépose l’habit de Carmélite, assurée qu’elle est, de le reprendre dans une quinzaine pour toujours.

Noël 1889 : L’après-midi du 25 décembre est marqué par la traditionnelle « Récréation pieuse », interprétée par le Noviciat. La saynète rédigée par Sr Agnès de Jésus, Le 1er Rêve de l’Enfant Jésus, reflète l’esprit de l’époque que l’on retrouve aussi sur les images pieuses : l’Enfant Jésus qui entrevoit sa Passion. Thérèse, Novice de onze mois, y incarne la Vierge Marie. Dans sa robe blanche, les longs cheveux blonds flottant sur les épaules, par son jeu très intériorisé, elle impressionne fortement la Communauté. Beaucoup pleurent. Jamais les Sœurs n’oublieront ce Noël, au point qu’elles se sont toujours opposées à une reprise ultérieure de la pièce.

Noël 1894 et ¬ Noël 1895 : Cette fois, c’est Thérèse qui a composé la Récréation pieuse de l’après-midi de Noël :
Pour 1894 : Les Anges à la Crèche de Jésus. (RP 2) où Thérèse représente l’Ange de l’Enfant Jésus qui chante ces mots :  

« Jésus, tu viens sauver le monde, qui donc comprendra ton Amour ?…
Qui donc comprendra ce mystère : un Dieu se fait petit enfant ? »

Pour 1895 : Le divin petit Mendiant de Noël demandant l’Aumône aux Carmélites. (RP 5). Plutôt qu’une pièce de théâtre, c’est une paraliturgie : un message sous une forme symbolique, tiré au sort et adressé à chaque Carmélite. Thérèse se voit attribuer la strophe 9 : Une grappe de raisin. Ce symbole a dû lui plaire, puisque, dans la suite, elle le reprendra plusieurs fois…